HIVER EN BRETAGNE
Depuis trois semaines, la couleur de la lumière change presque tous les jours, les haies et les bosquets de saules commencent à s'éclaircir. Je guette par la fenêtre la cavalcade des nuages, au large, leurs ombres qui se font la course sur le champ labouré en contrebas. Un trait de lumière passe sur la mer comme une vague, s'enfle à toute vitesse, submerge le rivage, les arbres du Cosquer, et disparaît. Des taches d'encre noire envahissent le ciel, puis se déchirent en nappes de lumière, le bleu du ciel prend tout à coup des couleurs incroyables... »
C'est un retour sur les lieux de son enfance que Michel Le Bris, né à Plougasnou, dans la baie de Morlaix, « d'une histoire inachevée entre terre et mer », retrace ici : un pèlerinage au coeur de la Bretagne dont la beauté, écrit-il, lui fut révélée en même temps que ravie « seul est trouvé beau ce qui peut se mettre à distance ».
Une marche, aussi bien, au long de laquelle seront convoqués les souvenirs les plus profondément enfouis, les expériences de l'âge adulte, l'oeuvre inépuisable de Stevenson ; une très longue promenade à travers les landes, dans le « tournoiement des goélands braillards », devant les bateaux échoués à leurs corps-morts, sous la lumière qui fauche les hauteurs de Ti Louzou ; une rêverie, aussi, devant la la grande Histoire, à travers les récits de loups de mer entendus aux tables des bistrots, sur cette invraissemblable cohorte de marins, d'aventuriers, de corsaires et de marchands qui façonnèrent siècle après siècle « l'esprit du lieu » — et ce quelque chose d'impalpable, enfin, ce « je ne sais quoi de grisant » qui flotte dans l'air, une odeur de bruyère, peut-être, ou d'iode, résumant à elle seule la légèreté et le mystère de ce pays...
Source : Points
Livres de l'auteur : Michel Le Bris
Ne vivent haut que ceux qui rêvent