Tête nue, les pieds nus chaussés de sandales, le visage encadré par une petite barbe noire où commencent à apparaître quelques fils d'argent, un homme s'avance à pas lents vers le sanctuaire de La Mecque. Grand et élancé, mais d'apparence un peu fragile, il est drapé dans deux pans de mousseline sans couture, d'une blancheur immaculée.

Il ne porte sur lui ni arme, ni bijoux, ni ornements d'aucune sorte. Rien d'autre que ce qu'il emportera avec lui dans sa tombe, car ces deux morceaux d'étoffe lui serviront de linceul.

C'est l'homme réduit à sa plus simple expression, tel qu'il comparaîtra devant son Créateur le jour du Jugement. Rien ne le distingue des dizaines de milliers de pèlerins qui l'entourent. Comment expliquer, alors, les murmures de respect qui s'élèvent sur ses pas et les gestes déférents avec lesquels les fidèles s'écartent devant lui, pour lui livrer passage ?

Il s'explique par le fait que cet homme au visage émacié et à la démarche altière est Fayçal ibn Abdul-Aziz al-Séoud, Roi d'Arabie, Gardien des Villes Saintes, Seigneur du Nedjd, du Hedjaz, de l'Asir et du Hasa, un des souverains les plus riches et les plus puissants de la terre, en cette deuxième moitié du XXe siècle. Cela, les hommes qui l'entourent le savent, bien que le monde ne semble pas encore en avoir pris pleinement conscience. Cela tient à ce que l'essor de sa dynastie a été si rapide qu'il défie l'imagination.