Eros mélancolique
Par une nuit d'hiver, au hasard de ses pérégrinations sur internet, Jacques Roubaud tombe sur une page étrange qui l'invite à télécharger un texte. Anne Garréta, appelée à la rescousse, recueille sur son ordinateur le document… dont le lien disparaît instantanément de la toile.
A la lecture, il s'agit d'un récit intitulé Eros mélancolique. Tapé à la machine, puis microfilmé, oublié et plus tard scanné et numérisé avant d'échouer sur le web, il est, par endroits, lacunaire, mangé de blanc, comme si les supports successifs avaient été endommagés. Il est signé d'un(e) certain(e) AD Clifford et raconte l'histoire d'un jeune chimiste écossais, Goodman, étudiant solitaire, à Paris, dans les années soixante.
Chargé pour six mois de garder l'appartement d'un voisin, Goodman s'apprête à mener une vie contrainte et méditative. Il devrait rédiger sa thèse sur la photographie comme écriture de la lumière. Mais il en est bientôt détourné par une série d'événements incontrôlables, tantôt prosaïquement comiques, tantôt oniriques et graves, depuis les persécutions de la vieille voisine, folle et méchante, jusqu'aux chimères qui l'habitent.
Car Goodman est obsédé par la voix d'une jeune femme, entendue lors d'une fête ; obsédé aussi par la rencontre, dans la rue, d'une autre (la même?), qui accepte de le revoir mais reste muette et disparaît lorsqu'il la prend en photo ; obsédé par l'apparition d'une troisième (ou est-ce encore la première?) qu'il observe en voyeur la nuit, nue, dans l'immeuble d'en face, pourtant désaffecté.
Désaffecté, au fond, Goodman l'est lui-même, hanté par un souvenir d'enfance, une disparition, une photographie : pièces manquantes au puzzle de sa mémoire…