En compagnie d'Antonin Artaud
Antoine Marie Joseph Artaud, dit Antonin, naît le 4 septembre 1896 à Marseille dans une famille aisée – son père possède une petite compagnie maritime ; sa mère, Euphrasie Nalpas, est originaire de Smyrne. Dans son enfance, Antoine (Nanaqui pour sa famille) grandit au contact des langues, le grec, le turc, l’italien. Il fait ses études chez les maristes de 1903 à 1913 et publie ses premiers textes dans une revue qu’il fonde avec des camarades au collège, en 1910. En 1914, à la suite d’une crise dépressive, il songe à devenir prêtre et passe quelques mois dans une maison de repos. Il fera plusieurs séjours jusqu’en 1918 : il part alors un an en Suisse où il écrit et dessine, où il fait aussi l’expérience du laudanum. Incorporé en 1916, il est réformé au début de 1917.
En 1920, il est à Villejuif dans la maison de repos du docteur Toulouse, qui le charge du secrétariat de la revue Demain ; il y prend en charge la rubrique concernant les arts, le théâtre et la littérature. Il rencontre Lugné-Poé, directeur du Théâtre de l’Œuvre chez qui il travaille un an comme figurant, souffleur, etc. En 1921, il découvre le dadaïsme, Breton, Aragon, et connaît Max Jacob qui le présente à Charles Dullin ; il entre dans sa compagnie et s’y lie avec la comédienne Génica Athanasiou, liaison difficile qui durera six ans. À partir de 1922, il joue dans les pièces montées à l’Atelier – Molière, Regnard, Calderón, Alexandre Arnoux, etc. En 1923, il entre dans la troupe de Ludmilla et Georges Pitoëff dans laquelle il ne jouera que de petits rôles. Son premier recueil de poèmes, Tric Trac du ciel paraît en 1923.
En 1924, est publiée la Correspondance avec Jacques Rivière. Artaud interprète un des personnages d’un petit film de Claude Autant-Lara (Fait divers) et songe à une carrière au cinéma. Il rencontre André Breton et adhère au mouvement surréaliste auquel il participe activement. En même temps, Abel Gance lui propose un rôle dans son Napoléon, celui de Marat, film tourné en 1925 et présenté à l’Opéra de Paris en avril 1927. De la rencontre de Roger Vitrac et Artaud avec Yvonne Allendy et le psychanalyste René Allendy naît en 1926 le Théâtre Alfred Jarry, peu avant son exclusion du groupe surréaliste avec Philippe Soupault. Il joue le rôle du moine Massieu dans la Jeanne d’Arc de Dreyer, tourné à partir de juillet 1927. Au même moment Germaine Dulac débute le tournage de La Coquille et le Clergyman, d’après un scénario d’Artaud, mais très vite les rapports sont tendus entre eux : lors de la première projection, en février 1928, Artaud et quelques surréalistes (avec lesquels il s’est réconcilié) conspuent G. Dulac. Il commence une analyse, qu’il interrompt après dix séances.
En 1928, la rupture avec Génica Athanassou est consommée. La mise en scène au Théâtre Alfred Jarry du Songe de Strindberg suscite une nouvelle rupture avec les surréalistes. Le Théâtre donnera la même année Victor ou les Enfants au pouvoir de Roger Vitrac. Les années suivantes, toujours sujet à des douleurs violentes, souvent dans une situation matérielle difficile, il élabore des scénarios, met en scène un photomontage à partir de son adaptation du Moine de Lewis (publiée en 1931), tourne avec Marcel L’herbier, Pabst, Raymond Bernard, Léon Poirier, écrit des textes théoriques et des notes de lecture. En 1931, à l’Exposition coloniale de Paris, il découvre avec enthousiasme le Théâtre Balinais. Le premier manifeste du Théâtre de la cruauté est publié en 1932 dans la Nouvelle Revue française, Le Théâtre et la Peste, dans la même revue en 1934, année de sa rencontre avec Balthus.
Les Cenci, représentés en mai 1935 dans des décors de Balthus, malgré un article élogieux de Pierre Jean Jouve, doivent s’interrompre faute d’argent. Il suit, après bien d’autres, une cure de désintoxication à l’hôpital Henri-Rousselle, ses prises d’opium l’empêchant de travailler normalement (« [...] ma vie depuis plusieurs années n’est qu’une longue désintoxication ratée », Lettre au Dr Dupouy 17/07/1935, citée dans Œuvres, p. 1744). Il passe beaucoup de temps dans les cafés de Montparnasse, en compagnie d’Adamov, Balthus, Roger Blin, Desnos, etc. ; il rencontre Marthe Robert. Au début de 1936, il part au Mexique où il doit donner une série de conférences ; il restera tout le mois de septembre chez les Indiens Tarahumaras, où il est initié au culte du peyotl. Il rentre en France en novembre, sans argent.
Il signe un contrat chez Gallimard pour Le Théâtre et son double en décembre 1936 (publié en février 1938). L’année suivante, il envisage de se marier avec Cécile Schramme, qu’il connaît depuis 1935 – projet rompu au mois de mai. Il ne parvient pas à être complètement désintoxiqué, malgré deux cures dont Jean Paulhan règle les frais. En août 1937, il part en Irlande ; on sait peu de choses sur ce voyage, mais Artaud sera incarcéré à Dublin fin septembre et rapatrié contre son gré en France. Il est débarqué au Havre et conduit au service des aliénés de l’Hôpital général,