Cinématurgie de Paris
Pierre Blanchar entra, et vint s'asseoir à ma table.
En dépliant sa serviette, il dit :
-J'arrive de Londres, où j'ai vu quelque chose d'admirable et d'extraordinaire : un film parlant...
-Tu as vu un film tout entier ?
-Oui, un film d'une heure et demie. Les comédiens parlent comme toi et moi, l'illusion est parfaite, c'est hallucinant. Il faut que tu ailles voir ça. Le titre c'est Broadway Melody, et le film passe au Palladium à Londres.
Le lendemain, à deux heures, j'étais installé au premier rang du balcon d'un immense théâtre, et j'écoutais parler l'image de Mademoiselle Bessie Love. Sa voix enregistrée n'était pas déplaisante ; mais quand elle sanglotait, on pensait à un petit chien aboyant dans un tonneau.
Pourtant, cette représentation fut pour moi un événement très important. J'allai revoir le film le soir même, puis encore deux fois le lendemain, et je rentrai, la tête échauffée de théorie et de projets. Le cinéma parlant, après quelques perfectionnements techniques, allait être le nouveau moyen d'expression de l'art dramatique.