Chien-Loup
L’idée de passer tout l’été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors Franck avait accepté, un peu à contrecœur et beaucoup par amour, de louer dans le Lot cette maison absente de toutes les cartes et privée de tout réseau. L’annonce parlait d’un gîte perdu au milieu des collines, de calme et de paix. Mais pas du passé sanglant de cette maison que personne n’habitait plus et qui avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre mondiale. Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s’était imposé au couple dès le premier soir et qui semblait chercher un maître.
En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que la nature, qu’on avait apprivoisée aussi bien qu’un animal de compagnie, n’avait plus rien de sauvage ; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s’entretuaient, avaient cédé la place à des guerres plus insidieuses, moins meurtrières. Ça, c’était en arrivant.
Serge Joncour raconte l’histoire, à un siècle de distance, d’un village du Lot, et c’est tout un passé peuplé de bêtes et anéanti par la guerre qu’il déterre, comme pour mieux éclairer notre monde contemporain. En mettant en scène un couple moderne aux prises avec la nature et confrontés à la violence, il nous montre que la sauvagerie est un chien-loup, toujours prête à surgir au cœur de nos existences civilisées.