Bal chez le gouverneur
Roger Nimier a cultivé avec bonheur le récit bref, comme l’ont montré Les Indes galandes et La Nouvelle Année, livres publiés il y a vingt ans et devenus peu accessibles. A l’occasion du cinquantième anniversaire de la disparition tragique de l’écrivain, Bal chez le gouverneur réunit quatre histoires encore jamais recueillies. Dans celle qui donne son titre au volume, la peinture
tragique et cynique de l’amour rappelle celle qui caractérisait le romantisme du romancier dans Les Enfants tristes. Dans « Une forte tête », présenté comme un hommage à Marcel Aymé, un charcutier bicéphale que la tête politique détourne de sa femme, se laisse pousser une troisième tête pour l’amour. Mais celle-ci prolifère tellement qu’il en coupe quelques milliers… avant que son épouse ne lui coupe la dernière. C’est alors que le narrateur Irénée Beaufumé avoue ne pas être Marcel Aymé, mais un ancien collabo tirant parti des troubles pour faire carrière dans la littérature depuis la Libération. « Le Clavier de l’Underwood » se passe dans les bureaux d’un journal. C’est une satire pince-sans-rire de l’ambition des petits chefs.
Conte plutôt que nouvelle, "A et E" revisite l’histoire d’Adam et Eve en la centrant sur le regard bonhomme que Dieu porte sur les mesquineries et fantaisies des humains. écrits pendant “le silence romanesque" conseillé par Jacques Chardonne, ces textes rares témoignent de la diversité de ton et du renouvellement formel que Roger Nimier a pu apporter au genre de la nouvelle. Cet art, où on le retrouve tout entier, est étudié par une spécialiste dans le Cahier Roger Nimier.