1984-85
La deuxième partie du livre est une fiction qui se passe donc dans la Grande-Bretagne de 1985. Le pouvoir politique est désormais détenu par les syndicats et les élections ne sont qu’une formalité. La violence est omniprésente dans la rue et les jeunes marginaux recherchent ce qui est interdit ou presque oublié : le latin, le grec, l’histoire et organisent des UU (Université Underground). Un jour de grève des pompiers et de l’armée, la femme de Bev meurt dans l’incendie de l’hôpital où elle séjournait. Inconsolable, Bev se révolte contre le système en commençant par déchirer publiquement sa carte syndicale obligatoire. Commence alors une vie d’errance où il volera dans les magasins, où l’Etat tentera de le rééduquer et où il participera à la révolte des « Grands Bretons Libres »...
Dans ce Royaume-Uni parallèle, George Orwell est mort en Espagne en 1935 (voir les pages 217 et 218), l’économie du pays est quasiment en faillite et les industries ne fonctionnent que grâce à l’argent du pétrole et des Arabes qui contrôlent la plupart des grandes entreprises. En échange de leur argent, ils imposent une islamisation accélérée du pays.
Anthony Burgess a regardé la Grande-Bretagne des années 70 où les syndicats ouvriers étaient puissants et bien organisés. La société était bloquée et réglementée à outrance. On commençait à craindre une tiers-mondisation du pays et la crise pétrolière de 1973 était encore dans toutes les mémoires. L’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979 allait changer bien des choses...
L’auteur a tenté d’imaginer un système d’obédience socialiste (par la prise de pouvoir de fait des syndicats) mais qui se démarque du communisme. Cela correspond à la situation d’alors de la gauche britannique où le parti travailliste était une émanation des « Trade Unions » alors que le système communiste impose le contrôle du parti sur les syndicats. Pas de goulag dans ce système mais des « centres de rééducation » relativement peu violents et un abrutissement de la population via un enseignement nivelé par le (très) bas et une télévision exclusivement vouée au divertissement (ça vous rappelle quelque chose ?).
Anthony Burgess se méfie énormément de l’Etat et des politiciens, ce qui est très bien. En revanche, il ne voit le salut (si salut il peut y avoir, on n’en est pas trop sûr à la lecture de ce livre) que dans la restauration de valeurs et de comportements anciens, notamment en matière de religion. Son point de vue est donc pessimiste et plus conservateur que libéral, même s’il fait une large place à la défense de la liberté individuelle.
Pour reprendre la grille de lecture que Friedrich Hayek propose dans « Pourquoi je ne suis pas un conservateur », Anthony Burgess exprime un point de vue datant d’une époque où les prétendues avancées de l’Etat-providence n’avaient pas encore été intégrées et assimilées par les conservateurs. Une curiosité.