Voyage au bout de l'extrémisme sexuel... "Néofétichistes", "body-artistes", "sexe-performeurs", échangistes et autres adeptes du SM, aucune tribu ni aucune pratique ne semblent avoir échappé à cette enquête sur les "forcenés du désir". L'ouvrage de Christophe Bourseiller, journaliste et écrivain qui nous avait habitué à des études sur d'autres types d'extrémismes (particulièrement politiques), se veut une plongée au coeur de lieux plus ou moins secrets, d'usages étranges et parfois cachés. Les différents chapitres évoquent ainsi dans le détail les pratiques du SM extrême comme la torture et l'auto-mutilation, les oeuvres d'artistes tels Stelarc ou Gina Pane, ou encore le barebacking d'une fraction de la communauté gay (sexe sans préservatif), la fascination pour les serial killers et l'essor du cybersexe. Au terme de descriptions précises, dont la lecture n'est pas toujours facile (on est très loin du voyeurisme complaisant), l'auteur s'interroge sur le sens et la portée des pratiques observées, qu'il refuse avec force de qualifier de perversions. Nouvelle tendance ? Véritable contre-culture ? Christophe Bourseiller se refuse à répondre. Pourtant on sent un jugement derrière cette neutralité affichée qui cache sans doute un certain dégoût de ces "extrémistes du sexe, qui sont persuadés de réaliser les fantasmes des autres et en tirent gloire". Au sortir de ce chaotique voyage dans l'archipel des extrêmes, le visiteur a perdu de sa superbe... Quoi ? Une investigation dans le monde chatoyant des turpitudes, n'était-ce pas la promesse de plaisirs sulfureux, de titillements inattendus, de rencontres inavouables ? Mais en lieu et place du stupre et de la parure, c'est la misère ordinaire qui s'étale au fil des pages. Misère de l'impuissance, de la névrose, des destins brisés, des viols et des solitudes infinies... Ou est passé le grand mythe de l'affranchissement, de la jouissance illimitée ? Ou sont les rêves d'amour universel et de vie sans temps morts ? --Maya Kandel