Comment quatre garçons de Liverpool ont-ils réussi à mettre les années 60 à leurs pieds ? La question a suscité bien des débats, mais à l'image de son titre sobre, l'ouvrage reprend, point par point et chronologiquement, l'ascension des Fab Four. Il est au fil du temps devenu une référence pour tous les fans, par sa précision, sa justesse de ton aussi, loin de la Beatlemania encore sensible au moment de son écriture. Aujourd'hui, alors que l'Anthologie, réalisée sous le contrôle des trois Beatles encore en vie (George Harrison est décédé depuis), a permis d'éclairer les derniers mystères, le livre de Dister s'impose comme le condensé parfait et sans complaisance de cette folle épopée. Des premiers accords grattés sur une guitare offerte par les parents aux salles combles qui les attendraient aux États-Unis, des expériences psychédéliques aux désaccords naissants, des bluettes malignes aux innovations sonores qui changeront la face du rock, Alain Dister n'exagère rien, avec ce style châtié qui sied parfaitement à l'époque. Mais au-delà de l'histoire mouvementée de ce groupe, Alain Dister décrypte aussi une décennie soumise à des changements radicaux.

Les Beatles en sont-ils responsables ? N'en sont-ils que le reflet ou simplement le fruit ? Les trois, bien sûr. Fruit d'un rock brut, reflet d'une génération populaire décidée à vivre comme elle l'entend, responsables, par leur aura et leur intelligence, d'une vague qui conduira à plus d'une révolte et à des profonds changements de société. La fin de l'ouvrage ne fait pas l'impasse sur les désillusions, la tentation indienne et ses dérives sectaires, l'éclatement du groupe après la mort de Brian Epstein, leur manageur, garant d'un édifice finan-cier. C'est tout l'idéalisme et la naïveté du groupe qui apparaissent alors, confrontés au cynisme, à la cupidité de certains amis, et à la nature humaine dans toutes ses contradictions. Leur rupture longue et douloureuse, parsemé des classiques mesquineries d'usage, annonçait, avec dix ans d'avance, un certain désenchantement, le retour à l'individualisme forcené des années 80. Les génies ne sont pas des dieux tout puissant.