Un nain, un géant, un personnage sinistre retranché derrière de fausses apparences, et le commissaire Baerlach (héros du JUGE ET SON BOURREAU) que nous retrouvons après une grave opération chirurgicale, cloué dans son lit de grand malade et cependant toujours aussi énergique, passionné: tels sont les personnages de la presque fantastique histoire racontée par Dürrenmatt. Fantastique, en effet, elle l'eût été, cet histoire où la cruauté règne et triomphe amèrement, si les faits, depuis que l'auteur l'avait inventée, n'étaient venus en démontrer la stricte véracité au sein même de cette "actualité" dont les journaux nous entretiennent.

Qu'on se rappelle l'histoire assez fraîche de ce médecin SS retrouvé dans l'exercice de ses fonctions, en Allemagne même, parce que sa femme avait eu l'imprudence, à son insu, de réclamer sa pension de veuve de guerre. Qu'on pense aussi à Eichmann... Justifications étonnantes de l'esprit dans lequel Dürrenmatt conçoit ses récits (une histoire "encore possible" avait-il affirmé de la PANNE) quand la réalité de tous les jours vient confirmer les inventions du romancier, qu'il nous faudrait plutôt regarder comme des inventaires, et dont le caractère inquiétant s'accuse d'autant plus.