Opiniâtre, talentueux, le "Patron", venu des territoires de l'Est après la guerre, crée peu à peu une magnifique pépinière sur un ancien champ de tir. Toute sa vie, il est mû par la volonté de laisser une oeuvre qui, éternellement, demeurera.Mais les temps changent, les hommes vieillissent, et aucun de ses enfants ne semble à même de reprendre le flambeau.

Reste Bruno, le narrateur, un "simple d'esprit" que le Patron a sauvé dans les derniers jours de la guerre ; Bruno, entièrement dévoué au Patron qui, un jour, l'a appelé "son seul ami" ; Bruno qui a la main aussi "verte" que le Patron et a passé sa vie à trimer sur le champ de tir. Pour lui, le temps s'est définitivement figé. Il ne passe pas. Bruno est toujours le gamin protégé par le Patron.

Et voilà que le Patron est placé sous tutelle par sa famille. Peu à peu Bruno comprend : le Patron avait décidé de lui léguer un tiers de ses biens. Et la famille fait bloc. Bruno, lui, est terrifié par ce cadeau. Il ne veut pas diriger la plantation, il veut que tout reste en l'état, que le Patron commande, éternellement. Et un soir, discrètement, il part.

"Champ de tir" est le roman de l'incompréhension, de la difficulté à communiquer. Il y a du Knut Hamsun dans ce texte avec, peut-être, l'espoir en plus.